Bztt
Encore une fois, notre amie Quichottine a sonné du cor pour rassembler ses fidèles et écrire une nouvelle page des Anthologies éphémères. Encore une fois, nous sommes nombreux à nous lancer dans l'aventure, pour notre plus grand plaisir ! Cette année, nous seront invités (ou pas !) à un mariage qui sera... ce que nous en ferons ! En attendant, chacun doit se présenter :
Hein ? Quoi ? C'est à moi ? O.K. alors, j'y vais !
Je me présente : je suis une mouche. Oui, je sais, vous l'aviez remarqué. Il suffit de voir votre air dégoûté, peut-être même excédé ! Musca est mon prénom, mais il y a bien longtemps que plus personne ne m'appelle ainsi. On utilise mon surnom, Bztt. On avait trop tendance à me confondre avec cette traînée de Stomoxys (elle préfère Stomo !) ou cette poseuse de Fannia, qui se vante toujours d'être plus légère et plus fine que moi…
Bref, me voici aujourd'hui devant vous, en ma qualité d'invitée au mariage qui se prépare. Enfin, disons que JE m'invite. Hé, ne levez pas déjà la main pour me chasser ! Je ne suis plus aussi leste qu'il y a quelques jours, je crois même que j'ai un peu d'arthrose dans trois ou quatre de mes pattes… Dur de vieillir… Dire que, quand j'étais jeune, je passais des journées entières dans les champs, avec mon copain le taon ; je m'amusais à le suivre pour agacer les vaches, mais pas de trop près, il n'esquivait pas toujours les coups de queue ! Il avait coutume de dire, avec un humour macabre, "Il faut bien tuer le taon !". Il est mort sous le sabot d'un taureau…
Telle que vous me voyez, avec mon joli costume gris et mon corsage ligné, je ne fréquente plus que les poubelles du marchand de primeurs et surtout celles du pâtissier, ma faiblesse ! Il m'est même arrivé, une fois, d'entrer dans sa boutique : toutes ces odeurs de sucre, de crème, de gâteaux divers et variés qui me collaient aux pattes, toutes ces tentations exposées… Je ne savais plus où donner de la trompe ! Au risque de m'engluer, j'ai fait une orgie de pâte d'amande, de confiture de fraise, de chantilly… J'ai eu un peu de mal à viser le cadre de la porte, lorsque la vendeuse est arrivée en hurlant ! Il se murmure qu'une énorme pièce montée a été commandée pour la noce. Je ne sais pas si je vais supporter d'attendre. J'ai les poils du thorax qui frétillent d'impatience ! Et puis je ne serai pas là éternellement. Quelques jours encore, tout de même. Pourvu que tout se passe comme prévu !
Il devrait faire beau et chaud. J'aime l'odeur des peaux, quand elles se frottent, se serrent, se croisent… Surtout celles des femmes qui se parfument… Comme vous le dites dans votre langage, "On n'attrape pas les mouches avec du vinaigre" ! Je vais en avoir, des aires d'atterrissage… Et puis j'adore les potins, les ragots, les mots aigres-doux que vous échangez quand vous vous croyez loin d'oreilles indiscrètes, les jolies choses que vous dites aussi, soyons honnêtes !
Je ne me lasse pas de vous, les humains. Vous êtes si compliqués qu'une existence de mouche ne suffit pas à vous cerner…
Bon, maintenant, il faut que je file. Je dois encore pondre quelques œufs d'ici ce soir, histoire d'assurer ma postérité, et je ferai peut-être un détour par chez la fleuriste. J'ai vu qu'on lui livrait de grands cartons plats. Pourvu que ce soit des lis, j'adore cette odeur…
À bientôt ?
Bztt.